Un chat noir : Dites-le avec dix mots
Le pardessus froissé, le poil hérissé, il remuait, nonchalant, la cuiller dans son café au lait. Il était seulement midi, il lui restait quatre heures à attendre, à languir dans une gare bruyante où des chiens hurleaint comme des imbéciles. Il jeta un coup d'oeil à sa valise, sous la table. Il avait du réduire ses bagages au strict minimum : un chapeau bleu, quelques pantalons gris, deux ou trois chemises et une seule cravate, qu'il mettrait juste pour travailler. Quelle idée d'être détective... Il n'aimait pas cette vie de fauché, surtout depuis qu'il avait compris que non seulement il était presque constamment en danger, mais qu'en plus, les résultats ne suivaient pas ses efforts. Il fut tiré de ses pensées par le bruit strident d'un train qui entrait en gare, il leva les yeux vers le quai derrière la porte vitrée et fut ébloui par une lumière éclatante. Il grogna et changea de position ; le soleil dispersait les nuages qui ne formaient plus qu'une brume légère et sinueuse autour des toits de la ville. Il était en plus forcé de vivre le jour, lui, un chat de goutière, un bon chartreux dont le pelage se fondait dans la nuit ! C'était absurde. Il chercha son calepin de sa poche intérieure et commença à écrire : penser à interroger le frère / devait être au courant / comportement étrange. Il déchira la page et l'enfonça sans précaution au fond de sa poche. Ses enquêtes devenaient de plus en plus sordides et il regrettait amèrement le temps où on le payait pour retrouver un amant ou une maîtresse perdue de vue. Il se souvint de son tout premier cas, le rêve de tout bon chat : un coup de foudre, des rerouvailles heureuses, un mariage et une vie tranquille... Mais il avait reçu une carte de la chatte et ses espoirs et idéaux avaient été balayés, le divorce avait été prononcé quatre ans plus tard après une fausse-couche et un adultère. Triste.
Une famille entra dans le café, il se douta qu'ils avaient la même destination que luii, et se désola de l'agitation des trois gosses : décidément, le voyage serait très long. Au moins, cela était sans équivoque, contrairement à toute sa vie qui n'était qu'une série de mystère, de doute et de misère !
Voilà !
Je pensais à Blacksad bien sûr et je me suis amusée à écrire ça...